Née en 1997 à Sinthiou Bamambé Banadji, elle a grandi à Cambérène.
Artiste pluridisciplinaire et activiste, Khadija Sall s’impose comme une figure majeure du slam, de la poésie et de l’écriture romanesque au Sénégal.
Dans cet entretien, elle revient sur son parcours, ses passions et son engagement dans des initiatives sociales et culturelles, notamment dans le Fouta.
À travers ses actions et ses mots, elle cherche à éveiller les consciences, tout en ouvrant des perspectives pour les jeunes des zones défavorisées.

Pouvez-vous vous présenter en tant qu’artiste, en nous parlant de votre parcours dans le slam, la poésie et l’écriture romanesque ?

En tant qu’artiste, je me définirais avant tout comme une exploratrice des mots et des émotions. Mon parcours dans le slam a débuté par une fascination pour la parole performée, cette capacité qu’a le verbe de s’incarner et de résonner dans l’espace public. Ensuite, la poésie s’est imposée à moi comme un espace d’introspection, un lieu où les mots trouvent un souffle plus intime, plus contemplatif. Quant à l’écriture romanesque, elle est venue en dernier, presque naturellement, comme une envie de raconter des histoires plus longues, de créer des mondes où les personnages prennent le temps de se déployer et de révéler leurs complexités. Chaque discipline m’a appris à écouter et à exprimer les voix multiples qui m’habitent et qui habitent les autres.

Comment parvenez-vous à trouver un équilibre entre ces trois passions que sont le slam, la poésie et l’écriture, et comment ces disciplines se complètent-elles dans votre travail créatif ?

Trouver un équilibre entre ces trois disciplines n’est pas toujours simple, mais elles se nourrissent mutuellement. Le slam me pousse à être concise, percutante et à toucher immédiatement l’auditeur, ce qui influence aussi ma manière d’écrire des poèmes, plus concentrés. La poésie, elle, me permet de laisser mon esprit vagabonder, d’explorer les nuances et les non-dits, ce qui m’aide à donner plus de profondeur à mes textes de slam. Quant à l’écriture romanesque, c’est un exercice de patience, où je me permets d’aller plus loin dans l’exploration des thèmes abordés dans mes slams ou mes poèmes. C’est une danse constante entre l’oralité, la musicalité du vers et la construction narrative.

Quelles opportunités ou portes se sont ouvertes pour vous grâce à vos différentes pratiques artistiques, que ce soit dans le domaine culturel ou social ?

Mes différentes pratiques m’ont ouvert des portes dans les domaines culturel et social. Grâce au slam, j’ai pu participer à des festivals, rencontrer d’autres artistes et tisser des liens créatifs à travers le monde. La poésie m’a permis de publier dans des anthologies et d’être invitée à des conférences littéraires. En tant que romancière, j’ai eu l’opportunité de rencontrer des lecteurs de tout âge, ce qui m’a offert un accès direct à des échanges profonds sur les questions de société que j’aborde dans mes œuvres. Sur le plan social, ces pratiques artistiques ont également été des vecteurs pour m’engager dans des causes qui me tiennent à cœur, notamment le maintien des filles à l’école, l’éducation des jeunes et l’égalité des genres.

Vous êtes souvent engagée dans des actions ponctuelles sur le terrain, notamment dans le Fouta. Pouvez-vous nous parler de quelques-unes de ces initiatives et de leur impact ?

Mon engagement sur le terrain, notamment dans le Fouta, a pris la forme de projets culturels et éducatifs. Avec le collectif fédéral Fouta Horizon Slam, j’ai mené des ateliers d’écriture pour les jeunes, dans des zones rurales, pour les aider à exprimer leurs réalités et leurs rêves à travers la poésie et le slam. J’ai aussi contribué à des campagnes de sensibilisation sur l’importance de l’éducation des filles, en utilisant le pouvoir des mots pour mobiliser les communautés autour de ces enjeux. Ces initiatives ont un impact concret, car elles permettent aux jeunes de prendre conscience de leur potentiel créatif et de l’importance de leur voix dans la société.
Il faut aussi souligner que ce collectif regroupe des sous-collectifs (au nombre de 16) répartis dans les villages et communes de la région de Matam.

Comment les populations bénéficiaires réagissent-elles à vos actions, et en quoi ces initiatives contribuent-elles à l’amélioration de leur quotidien ?

Les populations bénéficiaires réagissent de manière très positive à ces actions. Pour beaucoup, c’est la première fois qu’ils découvrent la poésie ou le slam comme des outils d’expression personnelle. Voir des jeunes s’ouvrir à l’écriture, découvrir le plaisir de manier les mots, c’est une source de satisfaction immense. Ces initiatives contribuent à améliorer leur quotidien en leur offrant des espaces où ils peuvent s’affirmer, se raconter, mais aussi se projeter dans un avenir plus prometteur. L’art devient alors un moyen d’émancipation, de prise de conscience et de transformation sociale.

Quels sont vos projets futurs en tant qu’artiste et activiste, et comment envisagez-vous de les développer dans les années à venir ?

Mes projets futurs incluent de continuer à explorer ces disciplines artistiques tout en renforçant mon engagement social. En tant qu’artiste, je souhaite publier davantage de textes, à la fois poétiques et romanesques, et peut-être même m’essayer à des formes plus expérimentales. En tant qu’activiste, je prévois de lancer des projets à plus grande échelle, notamment dans le domaine de l’éducation artistique pour les jeunes des zones défavorisées. L’idée est de faire des arts un levier pour leur développement personnel et citoyen. Dans les années à venir, je souhaite consolider cette double démarche artistique et militante, tout en tissant des collaborations avec d’autres artistes et acteurs du changement social.

BKD…